Cet article est paru dans le dossier « S’inspirer du vivant pour mieux manager » en décembre 2020 dans la Revue Économique et Sociale de l’Université de Lausanne et la Haute Ecole de Gestion de Fribourg. Il est signé par Marie-Hélène Straus et Eric Julien et a été réalisé dans le cadre du Parcours Rezonance 2020 qui a réuni 60 dirigeants et managers.

En 2018, Marie-Hélène Straus & Eric Julien publient aux éditions Les Liens qui Libèrent le livre Le Choix du Vivant, 9 principes pour manager et vivre en harmonie. Il leur a fallu 6 années de recherche, travail, co-réflexion et co-écriture pour arriver à exprimer leurs pensées. Marie-Hélène Straus est une dirigeante d’entreprise active sur le plan international, par exemple chez Regus. Un jour, elle prend conscience des limites de sa façon de manager. Aguerrie à toutes les méthodes effectives pour l’actionnaire, elle ne supporte plus de se comporter comme une « Attila » sur le champ de bataille.

 Eric Julien est quant à lui géographe. Coopérant français en Colombie, il est sauvé d’un œdème pulmonaire par les Indiens Kogis de Colombie, aussi appelé Kagabas. Consultant en entreprise et intervenant régulier dans les réseaux Germe, Rezonance et dans les clubs APM, il apporte le bon sens de la vision de ce peuple « primitif » dans les entreprises françaises. Si tous les deux sont engagés dans le monde du management et de l’entreprise, ils sont aussi actifs dans l’association « Tchendukua Ici et Ailleurs », Marie-Hélène en tant que Présidente de l’association, Eric en tant que fondateur et directeur général. De 1997 à 2020, ils ont réussi à racheter et restituer plus de 2’000 hectares de terre aux Indiens. Leur rencontre prend sa source dans leur volonté commune de réconcilier la vision de l’homme relié à la nature avec les dernières découvertes de la science occidentale, notamment en biologie. Voici ces 9 principes présentés par les auteurs de « Le Choix du Vivant, 9 principes pour manager et vivre en harmonie ».

« Chaque homme porte en lui, la forme entière de l’humaine condition », écrivait Montaigne. Comprendre cette phrase fait appel à notre imagination. L’une des principales caractéristiques de l’humain est la capacité que nous avons de sortir de nous-même, ce qui nous rend apte à métamorphoser notre conscience et transcender notre condition animale. Car, si le vivant évoque une incroyable diversité de formes et de phénomènes, l’humain semble être le seul qui ait développé, de façon extraordinaire, la capacité de produire des images mentales. Nous savons penser les choses, avant de les réaliser. Là est l’imagination. Mais pour quelles intentions ?

Dans cet ouvrage, nous invitons les managers, responsables d’équipe, dirigeants d’entreprise à convoquer leur imagination, afin de prendre conscience des principes biologiques qui les traversent, les animent et déclenchent leurs comportements. Ces principes invisibles, qui fondent la vie, et font vivre les Humains, les font agir, réagir, créer, détruire, fuir ou coopérer.

Comment gérer une équipe, accompagner des personnes, si nous ne savons pas nous-mêmes, comment nous fonctionnons en tant qu’être vivant, nous qui travaillons au sein d’organisations vivantes ?

Aussi vitale et invisible que notre respiration, dont nous oublions la présence et le rythme, ces lois du Vivant peuvent nous piloter en « automatique », si nous ne les reconnaissons pas, ou bien nous pouvons les « accompagner » en « conscience », si nous les reconnaissons. – « Connais-toi toi-même, et tu connaitras l’univers et les hommes », disait le sage. Tenter de transmettre ces principes est un pari difficile et audacieux, dans un monde où « penser les choses » avant d’agir, semble être considéré comme une « perte de temps » incongrue.

Une société obnubilée par le quantitatif, le faire et le contrôle peut-elle se réapproprier le qualitatif, le sensible et le surgissement, qui sont le propre du vivant ? C’est une métamorphose vitale qui s’ouvre à nous, celle de l’advenir de nos sociétés, nos entreprises et de notre singularité humaine.

C’est le Choix que nous vous partageons. Permettre à ceux qui le souhaitent de se relier au vivant, afin de retrouver un « nord intérieur », être plus présent à eux-mêmes, aux autres et à leurs comportements. Une aventure, pensée comme un chemin, plus que comme une boîte à outils. Une aventure qui peut permettre de mieux appréhender les principes qui régissent et animent les Êtres et les formes (organisations). Des principes invisibles, plus ou moins identifiés par la science, mais utilisés depuis des millénaires par les peuples racines, dont font partis les Kagabas (Colombie), aussi connus sous le nom de Kogis.

Ces « primitifs » comme nous les avons appelés, travaillent et vivent en harmonie avec le vivant depuis des siècles. Leur secret ? respecter les principes qui fondent la nature, respecter notre nature, à savoir notre propre fonctionnement biologique invisible, mais bien réel. Des principes qui fondent leurs organisations, leurs pratiques et leur système de gouvernance.

Dans cet ouvrage, nous partageons avec vous, les étapes possibles d’un chemin de résilience. Un chemin structuré autour de 9 principes interdépendants qui composent les étapes d’une spirale évolutive de compréhension du vivant. Un cheminement nécessaire pour reprendre notre pouvoir/liberté de décision, pour habiter consciemment nos comportements, nos actes, nos paroles et bien sûr, pour orienter les choix d’une entreprise, piloter des équipes, ou animer des groupes.

Aujourd’hui, le « paradigme » dominant qui prévaut dans nos sociétés modernes, s’appuie sur la croyance oh combien illusoire, d’une nature « matière première » à disposition d’une croissance exponentielle dans un monde pourtant fini. Un paradigme qui pousse les salariés au « burn-out », en même temps qu’il conduit à l’épuisement des ressources naturelles et à la création de déséquilibres mortifères.

L’intention de cet ouvrage et de cet article est d’éclairer les questions qui se posent à toutes sociétés humaines, confrontées aux défis de décider, animer un projet, gérer un conflit, gouverner, transmettre, manager, à la lumière des principes qui fondent la vie. Cette nouvelle vision du management doit permettre d’accompagner les acteurs de l’entreprise ou d’un territoire vers plus de motivation (motifs de l’action) et de créativité. Comment redonner du sens et imaginer ensemble de nouvelle façon d’être et d’agir en période d’incertitude ?

1- L’altérité et le principe du « 2 » : L’énergie tout comme la vie est née de la rencontre de deux cellules. C’est la rencontre entre deux éléments deux états, froid/chaud, dedans/ dehors, qui génère l’énergie à l’origine de tout mouvement. Lorsque deux « énergies » se rencontrent, deux options sont possibles. Soit je suis à même de déclencher, provoquer, accompagner, une énergie d’ouverture et de dilatation, et la rencontre pourra être « créative ». Soit je provoque, à l’inverse, de la crainte, de l’appréhension, voire du rejet, de sorte qu’une énergie de fermeture et de « rétraction » se mettra en place et la rencontre risque bien d’être destructrice. Avons-nous conscience de ce « pouvoir » et de ce que nous pouvons créer au lieu de détruire ?

2- L’interdépendance : Chaque cellule vivante, comme chaque organe du corps humain, a une mission précise, rendue possible par les liens entretenus entre les cellules ou entre les organes. Que ces liens avec le système global viennent à disparaître ou s’altérer, et la maladie risque de s’installer (pour le corps) et les cellules de rentrer dans un processus d’autodestruction. De la même manière, un collaborateur qui n’est plus relié au système, qui n’est plus ou mal informé sur son rôle, sa valeur ajoutée, sa place dans l’organisation… risque de connaître la même évolution que les cellules. La compréhension de ce principe « physiologique » nécessite pour les managers une prise de recul et l’adoption d’une vision globale des enjeux, de la dynamique systémique et intersubjective en œuvre, condition sine qua non pour prendre de « justes » décisions.

3- Le sens : Toutes les parties d’un corps vivant s’adaptent et se régulent entre elles grâce aux relations, mais surtout à la connaissance de leur rôle, de leurs fonctions, et donc de leur contribution à une « finalité » commune. Cette dynamique porte un nom : « l’homéostasie ». Dans les sociétés humaines comme dans la nature, pour trouver cet équilibre dynamique, les acteurs d’une organisation ont besoin de contribuer au sens de leurs actions, de leurs projets. On dit que le sens « guéri », car il permet aux parties de converger dans une même direction. Le sens est donné par une vision, un but commun partagé, qui nourrit leur motivation (= motifs- de l’action).

4- La communication (= comme-unis-dans-l’action). Sans communication, pas de liens, pas d’action collectives possibles, pas de coordination, pas de « sens partagé » », pas de feed-back et de régulation. Dans notre corps, c’est le rôle de la signalisation cellulaire qui adapte ses modalités relationnelles à chacune de ses « cibles ». S’en inspirer permet au manager, d’adapter sa communication, de clarifier son attention autant que son intention, afin de nourrir une communication créatrice et porteuse de sens.

5- Les valeurs : Les valeurs parlent de relations, de la façon dont les parties d’un système, ou les acteurs d’une organisation se mettent ou non en relation. Deux valeurs sont à l’origine de la vie et des êtres vivants, la confiance et la coopération. Deux valeurs qu’il est intéressant pour les managers, d’identifier et de faire vivre afin de rassurer (confiance) et de permettre (coopération). Des valeurs qui sont à la base de l’intelligence collective, où la valeur ajoutée du système est plus grande que la somme des intelligences individuelles.

6– Le cadre : C’est une goutte d’eau, contenue par une membrane qui semble être à l’origine de la vie. Comme c’est dans le ventre « protecteur » de la maman que la rencontre du masculin et du féminin crée la vie. Pour créer la vie, les cellules ont besoin d’un cadre, d’un espace protecteur, protégé par une membrane. C’est la nature du cadre proposé, la façon dont il sera animé par le manager qui permettra aux acteurs de former une équipe, de construire son identité, de valoriser ses potentiels et au final, de grandir en maturité collective.

7- La créativité : les neurones miroirs de notre cerveau réagissent en « effet miroirs » aux phénomènes et aux émotions qu’ils perçoivent dans le monde extérieur. Le biomimétisme, ou l’imitation des processus de la nature, découle directement de ce principe biologique. Il nous incite à s’inspirer de la nature de son incroyable créativité, pour créer du nouveau. Pour cela, il faut avoir l’audace d’ouvrir des espaces de « vide » créatif, de « silence » poétiques d’où la créativité de la vie pourra surgir.

8- Le temps : Obnubilées par le temps linéaire, celui d’un illusoire progrès exponentiel, nos sociétés modernes ont oublié le temps circulaire (les cycles) et le temps « juste » (créativité), qui organisent les êtres vivants et permettent le « nouveau ». Étrangement, le temps circulaire met le passé en face de nous, le futur étant dans ce cas une conséquence d’actions ou de paroles posées au passé. Le temps circulaire permet d’apprendre de ses erreurs et offre des espaces d’adaptation nécessaires pour intégrer les changements. Savoir réguler ses temps de travail, de récupération, de recentrage et de créativité est un impératif afin rester ouvert aux évolutions du vivant.

9- La mémoire : La mémoire organise les formes, les choses et les phénomènes. Avec l’information et l’énergie, elle est la troisième « composante » de la vie. Pour les Kogis, « un peuple sans mémoire est un peuple mort », il ne sait plus d’où il vient et où il va. Dans notre organisme, non seulement le système immunitaire donne au corps les moyens de se protéger, mais en plus, il en garde la « mémoire cumulative » afin de réagir de façon plus juste et efficace lors de la prochaine agression. C’est par l’entretien et la transmission d’une mémoire vivante de ces principes, que les acteurs d’une organisation, peuvent faire converger leurs énergies, leurs compétences, leurs potentiels, au service d’un projet, d’une organisation, d’un territoire.

« Habiter le monde sans conscience des lois secrètes qui organisent la nature revient à ignorer la langue de son pays natal ». Hazrat Inayat Khan.

A lire aussi l’interview des auteurs dans le magnifique dossier de Marc Benninger, rédacteur en chef de HR Today, paru en janvier 2021 en cliquant sur le titre ci-dessous :

 

Co-auteurs du livre «Le choix du vivant», les deux consultants français Marie-Hélène Straus et Eric Julien tissent ici les liens entre la culture des Kogis de Colombie et le management moderne. Ils proposent aussi une issue à l’impasse du capitalisme.

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